Царква і палітычны крызіс у Беларусі

Comment la Biélorussie ouvre une nouvelle page de son histoire

Comment la Biélorussie ouvre une nouvelle page de son histoire

Comment la Biélorussie ouvre une nouvelle page de son histoire

Un vaste mouvement de contestation traverse la Biélorussie depuis la réélection controversée du président Alexandre Loukachenko dimanche 9 août. Malgré la violente répression opérée par le gouvernement, des dizaines de milliers de personnes continuent à manifester pacifiquement. Décryptage.

Les images sont impressionnantes. À Minsk, la capitale biélorusse, mais aussi dans de nombreuses autres villes du pays, des dizaines de milliers de personnes se rassemblent pacifiquement afin de réclamer le départ du président Alexandre Loukachenko à la suite de son élection controversée dimanche 9 août. Loin de s’en émouvoir, Alexandre Loukachenko, au pouvoir depuis 26 ans, a répondu aux manifestations par une répression d’une grande violence. Malgré tout, le mouvement de contestation, soutenu par les communautés chrétiennes, est loin de s’essouffler. Éléments d’explication avec Andrej Strotsev, étudiant biélorusse actuellement en master 2 en Sciences sociales de la religion à l’EHESS.

Pourquoi une telle contestation maintenant ?

Âgé de 65 ans, Alexandre Loukachenko est président de la Biélorussie depuis 26 ans. Souvent qualifié par les médias occidentaux de « dernier dictateur d’Europe », sa réélection dimanche 9 août 2020 est largement contestée. « L’autocratie de Loukachenko et de son gouvernement néo-soviétique dure depuis 1994 », rappelle auprès d’Aleteia Andrej Strotsev, étudiant biélorusse actuellement en master 2 en Sciences sociales de la religion à l’EHESS. « La violence que l’on voit aujourd’hui s’inscrit dans la continuité de ces 26 dernières années. La différence avec ces élections, c’est que le président a perdu sa légitimité aux yeux même des Biélorusses ».

Jusqu’à présent explique l’étudiant « il y avait une forme de contrat social entre le gouvernement et la population ». Traumatisée par le désengagement de l’URSS, la crise des années 1990 ou encore Tchernobyl, les Biélorusses étaient prêts à supporter ce système. Mais la situation a changé. « Le gouvernement n’a rien fait depuis le début de la pandémie de Covid-19 », détaille Andrej Strotsev. « Alors même qu’au début de la pandémie Loukachenko a envoyé de l’aide en Chine, dès que le virus est arrivé chez nous, il a tout bonnement nié son existence. Les gens se sont retrouvés totalement seuls, livrés à eux-mêmes ».

De quelle nature est l’opposition aujourd’hui ?

L’opposition à Alexandre Loukachenko a toujours existé en Biélorussie. « Déjà lorsqu’il a changé la Constitution afin d’élargir ses prérogatives en 1996, des milliers de gens sont descendus dans la rue », rappelle Andrej Strotsev. Mais l’opposition a toujours été marginalisée sans aucune possibilité d’existence dans le champ politique. « La seule chose que nous avions c’était les médias et la rue ». Lors de ces élections, l’opposition a été aussi politique avec notamment Svetlana Tikhanovskaïa, 37 ans, qui s’est présentée à l’élection à la place de son mari, emprisonné fin mai pour « trouble à l’ordre public ». Professeure d’anglais de formation, cette mère au foyer avait réussi à réunir les dizaines de milliers de parrainages nécessaires pour se présenter. Traitée de « pauvre nana » par Loukachenko, elle est devenue l’un des visages de l’opposition politique au président. « Elle est devenue le symbole du mécontentement de toute la population », indique encore l’étudiant. Si elle a été contrainte de quitter la Biélorussie – elle est actuellement en Lituanie, ndlr – l’opposition s’est fait entendre dans la rue par le biais de vastes manifestations… et a essuyé de violentes répressions.

Les manifestations ne sont pas organisées par quelques groupes isolés ou par une minorité mais c’est un mouvement massif qui se diffuse localement.

« Du 9 au 12 août, Internet a été coupé partout dans le pays et près de 10.000 personnes ont été arrêtées », résume Andrej Strotsev. « Nous recevons depuis chaque jour de nouveaux témoignages de ce qu’il s’est passé : des gens torturés dans les prisons, des cas de viols… Mais aucun procès criminel n’a été ouvert contre les policiers qui en sont à l’origine. Pour l’instant l’Etat est dans le déni ». Après ces trois jours de grande violence, les manifestations ont continué et continuent encore aujourd’hui de manière pacifiste, paisible.

Les gens applaudissent alors qu’ils marchent lors d’un rassemblement de l’opposition pour protester contre les résultats de l’élection présidentielle, à Minsk, en Biélorussie.

Des grèves ont également commencé dans les principales entreprises du pays. « Les deux dimanches qui ont suivi les élections, le 16 et le 23 août, des centaines de milliers de gens ont manifesté, c’est la première fois dans toute l’histoire du pays », assure l’étudiant biélorusse. « Comme l’a résumé Svetlana Tikhanovskaïa, ‘nous ne sommes pas l’opposition, nous sommes la majorité’. C’est bien de cela qu’il s’agit : les manifestations ne sont pas organisées par quelques groupes isolés ou par une minorité mais c’est un mouvement massif qui se diffuse localement, via des chaines sur les réseaux sociaux ». Sur le plan politique, le conseil de coordination sur le transfert de pouvoir rassemble ces différentes facettes de l’opposition.

Quel rôle jouent les communautés chrétiennes ?

« On peut dire que les trois semaines qui ont suivi les élections sont l’explosion de la présence publique et politique de l’Église. Avant, nos églises chrétiennes suivaient un modèle où elles existaient pour les besoins spirituels des croyants mais n’avaient pas d’accès dans le monde politique », résume Andrej Strotsev. Mais depuis l’élection controversée, les différents représentants religieux du pays multiplient les gestes et prises de parole fortes.

Avant même l’élection, les représentants des différentes églises ont lancé une initiative baptisée « Les catholiques ne falsifient pas ».

« Avant même l’élection, les représentants des différentes églises ont lancé une initiative baptisée « Les catholiques ne falsifient pas » afin d’appeler les catholiques membres des commissions chargées de compter les voix à ne pas falsifier les résultats. Ils ont rappelé dans cet appel qu’agir ainsi était un crime mais aussi un péché ». L’appel a été le même auprès des orthodoxes.

Les violences qui ont suivi cette élection ont été un choc pour tout le monde, y compris pour les communautés chrétiennes. « Dès la première semaine, les prêtres, en habit, ont commencé à sortir dans la rue pour manifester avec les gens, prier… Lorsque qu’il y a eu des arrestations beaucoup ont tenté de leur rendre visite en prison, sans succès. Ils ont également apporté leur soutien aux hôpitaux ». Qu’elles soient à l’initiative des prélats ou des chrétiens, de nombreuses veillées de prière œcuméniques sont organisées avant les manifestations.

Agnès Pinard Legry — Publié le 28/08/20

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